• Lorsque je regarde en arrière je repère des attitudes et des signes des effets de la maltraitance. Outre l’auto régulation de mon comportement en fonction des réactions que je redoutais chez lui, j’avais des douleurs chroniques à l’estomac. Lorsque je suis allée faire les examens, la médecin m’a interrogée après mon réveil de l’anesthésie. Je n’avais physiquement rien, mais elle se demandait si tout allait bien à la maison, s’il arrivait que mon compagnon me frappe. Je me suis bien sûr récriée et l’ai assurée que tout allait pour le mieux. Je n’identifiais pas vraiment son comportement à de la violence psychologique et émotionnelle. Elle me dit alors que je m’étais comportée comme une femme battue. A peine l’anesthésiant avait-il fait effet que je me suis mise à me débattre. Ils avaient été obligés de se mettre à trois pour me maîtriser afin d’effectuer l’examen. Je fus surprise mais je mis cela sur le compte du stress au travail ou de mon enfance en environnement violent.

    Une autre fois, j’avais pris la voie de bus pour quelques centaines de mètres afin de pouvoir tourner et éviter un bouchon. Bien évidemment, je me suis vite fait interpelée par un véhicule de police. Lorsqu’on me donna le pv :  perte de points et contravention salée, j’eus une crise de panique. Je le voyais déjà m’insultant et me disant combien j’étais stupide et combien je lui coutais cher. Je suppliai la policière de me prendre les points mais pas l’amende. J’argumentai en larmes que mon compagnon allait me tuer le soir et que je ne savais pas comment gérer sa colère. Elle fut abasourdie, me faisant remarquer que je gagnais mon propre argent, puisque que j’avais argumenter que j’allais être en retard au travail pour défendre mon comportement fautif. De fait, elle estimait qu’il n’avait rien à me dire et certainement pas à me terroriser pour si peu. Elle s’enquit si j’estimais avoir besoin d’aide, compte tenu de ma réaction. Une fois de plus je refusais et partais la peur au ventre.

    Par ailleurs, nos amis disaient que je perdais mon sens de l’humour, que je devenais un peu harpie et réactive. Je doutais de plus en plus de mes capacités, perdais ma réactivité et j’avais de plus en plus l’impression d’avoir le cerveau embrumé.

    J’étais si épuisée physiquement, nerveusement, émotionnellement que je concentrais toute mon énergie à m’occuper au mieux de mon enfant et je faisais le dos rond pour le reste. Je croyais de plus en plus que la situation était de mon fait, que je n’étais effectivement pas à la hauteur et qu’il avait certainement raison de se désespérer de me voir un jour devenir digne de lui.

    C’est dans ce contexte qu’un jour, il a décidé que nous devions partir vivre en province. Dans un premier temps je pensais que nous retournerions en Bretagne ou qu’on irait vers le sud de la France. J’avais des possibilités de trouver du travail dans le groupe pour lequel je travaillais sur Lyon, Grenoble, Montpellier, Marseille.

    La Bretagne fut vite évincée de la liste. Les experts comptables qu’il avait pu rencontrer là-bas lui semblaient des pauvres gagne-petit. Il refusait de devenir un scribouillard de province. Le sud de la France ne lui offrit apparemment pas d’opportunités. Je ne crois pas qu’il ait vraiment recherché. Je lui reparlais alors de nos projets d’expatriation, de prendre son mal en patience, passer un module de comptabilité anglo-saxonne pour nous ouvrir les portes de l’international ou partir en Belgique. Il refusait toutes mes propositions.

    Un jour, il m’annonce une super opportunité. Un poste qui lui plairait, un groupe qui lui semble intéressant, des perspectives motivantes. Mais, c’est une petite ville, en Picardie. Forcément, je dois donner mon aval mais je n’ai pas vraiment le choix. Nous visitons ladite ville un week-end de Toussaint. J’objecte que la ville est morte, que c’est joli mais que je ne m’y vois pas. Il réfute mes arguments, dis que c’est un week-end particulier, me parle de la richesse patrimoniale et historique de la ville. Nous déjeunons avec la personne qu’il doit remplacer. Lui et sa compagne qui me disent combien Paris est proche et la qualité de vie que je peux trouver dans une petite ville. Bref, la décision est déjà prise et mon acquiescement ne fait pas débat. J’acceptais donc le projet. Pourtant, je dois reconnaitre que mes collègues et une de nos proches amies ont tenté de me dissuader. Mais c’était le père de ma fille, je me devais de le soutenir, de le suivre et puis il me promettait enfin une vie en province avec maison, enfants et un rythme plus propice à la vie de famille. Quelle arnaque ! Je me rendrai compte trop tard, et à mes dépends qu’il n’en serait rien.


     


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  • Ce qui me paraît évident aujourd’hui, c’est qu’il n’a pas passé le cap. Il ne pouvait pas, de toute évidence, ne plus occuper la première et unique place.

    Les attaques sur mon poids sont devenues quotidiennes et de plus en plus violentes. Il me reprochait d’être difforme. Il ne voulait plus me toucher et me disait combien il lui était pénible de dormir auprès d’une baleine échouée.

    En parallèle, il me refusait tout moment de complicité autour de ma grossesse. Il préférait soi-disant, toucher et entrer en relation avec mon ventre et notre futur enfant que lorsque j’étais endormie. Il ne voulait pas participer à la préparation à l’accouchement. Il refusait toute méthode pouvant l’impliquer traitant tout cela de niaiserie, d’absurdité ou carrément d’arnaque. Par amour ou par défi, il avait fait en sorte de me donner les perspectives que j’attendais, en acceptant de faire un enfant. Il me donnait un projet qui me comblait et m’attachait encore plus à lui.

    Au passage, il me fit renoncer à trois puis un quatrième projet professionnel. Les postes qu’on me proposaient étaient en soi, extraordinaires, inespérés. Je devais faire des choix. Nous ou moi. Il fallait que je fasse carrière soit, il était pour autant, hors de question que j’aille plus vite ou plus loin que lui. Je renonçais à tout, non sans regrets. Pour nous, j’aurais et j’ai tout sacrifié. Il me semblait à l’époque, faire des choix de cohérence. Aujourd’hui, je vois dans ces renoncements, une négation de moi.

    Toutefois, cette grossesse marque le point de départ d’une certaine prise de distance. Soit, je me laissais détruire par ses attaques, soit je trouvais le moyen de ne pas le laisser m’atteindre totalement. C’était discret et minime et sur le coup je ne me suis pas rendu compte de l’effet de cette situation. C’est à posteriori que je peux l’identifier. Mais oui, je sais que j’ai commencé à résister ou à prendre conscience de la toxicité de son comportement à cette période. L’instinct de protection de mon enfant m’a peu à peu conduite à mettre de la distance entre ce qu’il me disait et ce que je pouvais accepter.

    De la même manière, je me rappelle d’un jour particulier. Notre fille était née et j’avais un jour de repos. Comme il me reprochait en permanence de lui faire honte, car les gens qui venaient à la maison voyaient la poussière et le désordre, je décidai de laisser ma fille chez la nourrice pour faire le ménage du sol au plafond. Je passais la journée à faire les poussières, ranger, laver, faire les lessives, repasser … du matin au soir je n’ai eu de cesse de faire ce qu’une bonne ménagère aurait fait. Je passais sur mon désir de passer du temps avec mon bébé pour répondre au désir de son père de me voir répondre à ses attentes. A l’heure d’aller récupérer notre fille j’avais fini ou presque. J’étais très fière de moi. J’étais satisfaite et impatiente de voir la satisfaction de mon mari. En rentrant, il fut surpris. Agréablement ? Je ne pourrais le dire. Il ne dit rien, inspecta la maison, passa son doigt sur les meubles et finit par la chambre. Voyant qu’un de ses costumes n’était pas repassé il conclut : « ça n’a servi à rien tout ça, c’est justement ce costume que je voulais mettre demain. » Une fois de plus, je fus choquée mais cette fois, une pointe de colère et donc un début de réaction venait de naître en moi.

    J’ai continué à subir, certes. J’ai continué d’espérer que les choses pouvaient changer, oui. J’ai voulu croire que le fait d’être père le ferait évoluer, je n’ai pas baissé les bras et n’ai pas renoncé. Mais, je commençais alors à en souffrir et à me dire que ses réactions n’étaient pas normales.  Les regards pleins de dégoût, les remarques acerbes, les insinuations de mépris et autres attaques prenaient toute leur dimension. Avant, j’en étais meurtrie mais ne les identifiais pas comme des atteintes directes et volontaires. En devenant mère, quelque chose en moi s’est éveillé et je voyais distinctement que ces propos et attitudes étaient faits pour me blesser, pour me dominer. Je ne pouvais pas encore m’en défendre ou m’en défaire, mais je les vivais de plus en plus mal et je me questionnais de plus en plus. En même temps, je commençais à percevoir le poids du piège qui s’était refermé sur moi. Coupée de ma famille, sans amis personnels, je me trouvais démunie et seule. Je ne savais vers qui me tourner. Lorsque j’essayais de faire percevoir mon mal-être ou lorsque je cherchais l’appui de notre entourage lorsqu’il me faisait des remarques, je ne trouvais que relativisme et rires sarcastiques. Tout paraissait anodin ou humour noir aux yeux extérieurs. Seule face à mes questions, mes doutes et mes douleurs, je me réfugiais dans la confiance béate. Dieu avait forcément un projet, il me viendrait en aide, adoucirait son cœur ou me donnerait la force de devenir conforme à ses attendus. Ma famille avait un sens, c’était mon projet, mon avenir, mon ambition, il ne pouvait en être autrement.


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  • Je n’ai plus, en définitive, que peu de souvenirs précis. Plutôt, un ramassis de petits moments assassins et de sentiments. Peu à peu, heureusement, les dates, les lieux, s’estompent et je sens confusément que, pour mon salut, la cruauté et la vivacité du mal s’éloignent. Ne s’effacent pas encore, mais deviennent plus flous. Je me rappelle néanmoins de choses qui m’ont blessées, surprises ou mises mal à l’aise.

    Pendant notre préparation de mariage, par exemple…. Les compromissions toujours et en parallèle le laisser entendre auprès de sa mère que les difficultés d’organisation et les tensions étaient de mon fait. En réalité, cela lui convenait de n’avoir rien à faire, de ne pas avoir à s’investir autrement que par le financement. Mais, il me laissait croire tout autre chose. Que sa mère prenne tout en main lui allait très bien mais il tenait un double discours. Me poussant à croire qu’il aurait voulu être plus impliqué pendant qu'il rassurait sa mère sur sa satisfaction. Cela le mettait à l’abri de devoir déplaire à l’une ou à l’autre, tout en nous montant l’une contre l’autre. Il était gagnant des deux côtés. Au final, j’ai parfois eu l’impression d’être une invitée à mon propre mariage. Mais qu’importait alors, puisque je l’épousais. C’était l’essentiel, surtout après neuf ans d’attente !

    Durant la préparation religieuse, il ne trouva comme raison de m’aimer, de m’épouser, il ne formula d’autre compliment que : elle est tenace.

    J’ai été vexée et je me disais qu’on avait connu plus amoureux comme commentaire. On pouvait faire si ce n’est plus romantique, au moins plus enflammé ou émotionnel. Je l’ai pris comme un : elle ne me lâche pas, donc au final je cède et j’accepte de la laisser rester.

    En sortant de cette réunion, il m'asséna un : pas de commentaire, et n’espère surtout pas qu’on applique ce qu’ils ont dit. Pourtant le mariage religieux était supposé avoir du sens pour l’un comme pour l’autre. Cela me disait combien, il ne mettait aucune forme de sacralité, de spiritualité et de mystique dans notre couple. Moi, j’en étais alors à me demander quel dessein pouvait avoir dieu pour nous, je me convainquais qu’il y avait forcément un sens caché et que malgré les difficultés, dieu ne m’avait pas destinée à cet homme par hasard. Alors, je tenais. Je sentais déjà de la souffrance et j’avais des signes de maltraitance. Mais je tenais. Je l’avais voulu, j’avais fait un choix et je m’y tenais. Un jour tout irait mieux. Avec beaucoup d’amour, de la patience et l’aide de dieu, tout s’arrangerait. Oui, j'étais tenace, et oui je me sens aujourd'hui coupable de tant de ténacité.

    Une autre chose qui me blessa, fut ses remarques concernant mon poids. Pour les fiançailles, j’avais perdu beaucoup de kilos, mais entre temps j’en avais repris. Dès lors, il n’avait de cesse de me dire combien j’étais trop ronde pour faire une belle mariée. Et pourtant à l’époque je n’avais rien de la personne obèse que j’ai pu devenir au fil des années !!!!

    Encore une fois, je passais outre et me disais qu’il changerait d’avis. Je me persuadais que les yeux de l’amour le feraient me voir autrement. C’était obligé, je ne voyais pas comment les choses pouvaient se passer d'une autre façon. J’imaginais, un moment romantique et cet instant de grâce où il me trouverait belle. Comme toute fiancée je voulais qu’il me complimente en me voyant dans ma robe. Il n’en fit rien. Je voulais ce jour-là, être sa princesse. Je n’eus pas de moment magique, privilégié ou romantique. Je ne sais même plus si nous avons eu une vraie nuit de noce. C’est dire !

    Je sais par contre, que les choses se sont durcies ou je les ai ressenties de manière plus féroces, plus violentes et plus cruelles lorsque je suis tombée enceinte. Je me rappelle parfaitement le moment où il m’a annoncé qu’il était d’accord pour un bébé. C’était quelques jours après que je lui ai dit que je ne voyais aucun sens à notre union, que nous ne construisions rien et que pour moi les carrières et gagner de l’argent n’étaient pas des buts en soi. Surtout à la lumière de la mort de mon frère. Tout cela me semblait insignifiant et stupide. Pourquoi à l’époque n’a-t-il pas laissé faire ? Pourquoi n’a-t-il pas voulu me laisser aller au bout de mon raisonnement et finalement, à ce moment, j’étais vraiment à deux doigts de le quitter. M’aimait-il alors ? Ne voulait-il pas perdre son pouvoir et garder la main sur la situation. Je ne sais pas et je ne saurai peut-être jamais. J’essaie de me convaincre que c’est un peu des deux, me dire qu’il y avait peut-être quand même, de l’amour dans tout cela. Toujours est-il, que le séisme provoqué par le suicide de mon frère était de nature à tout bouleverser, à tout remettre en question. Nous étions à la croisée des chemins et il ne tenait plus qu'à un fil que je me sauve. Mais un soir, il me demande si on peut faire un régime en étant enceinte. Je lui ai bien évidemment répondu que oui, sur le premier trimestre c’était envisageable. Alors il m’a dit qu’on pouvait se lancer dans ce projet.

    Autant le dire clairement, ce ne fut pas un régime mais bien huit kilos que je pris dans le premier trimestre. Mais ces kilos allaient me couter cher...


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