• Chronique d'une obscurité annoncée (12)

    Lorsque je regarde en arrière je repère des attitudes et des signes des effets de la maltraitance. Outre l’auto régulation de mon comportement en fonction des réactions que je redoutais chez lui, j’avais des douleurs chroniques à l’estomac. Lorsque je suis allée faire les examens, la médecin m’a interrogée après mon réveil de l’anesthésie. Je n’avais physiquement rien, mais elle se demandait si tout allait bien à la maison, s’il arrivait que mon compagnon me frappe. Je me suis bien sûr récriée et l’ai assurée que tout allait pour le mieux. Je n’identifiais pas vraiment son comportement à de la violence psychologique et émotionnelle. Elle me dit alors que je m’étais comportée comme une femme battue. A peine l’anesthésiant avait-il fait effet que je me suis mise à me débattre. Ils avaient été obligés de se mettre à trois pour me maîtriser afin d’effectuer l’examen. Je fus surprise mais je mis cela sur le compte du stress au travail ou de mon enfance en environnement violent.

    Une autre fois, j’avais pris la voie de bus pour quelques centaines de mètres afin de pouvoir tourner et éviter un bouchon. Bien évidemment, je me suis vite fait interpelée par un véhicule de police. Lorsqu’on me donna le pv :  perte de points et contravention salée, j’eus une crise de panique. Je le voyais déjà m’insultant et me disant combien j’étais stupide et combien je lui coutais cher. Je suppliai la policière de me prendre les points mais pas l’amende. J’argumentai en larmes que mon compagnon allait me tuer le soir et que je ne savais pas comment gérer sa colère. Elle fut abasourdie, me faisant remarquer que je gagnais mon propre argent, puisque que j’avais argumenter que j’allais être en retard au travail pour défendre mon comportement fautif. De fait, elle estimait qu’il n’avait rien à me dire et certainement pas à me terroriser pour si peu. Elle s’enquit si j’estimais avoir besoin d’aide, compte tenu de ma réaction. Une fois de plus je refusais et partais la peur au ventre.

    Par ailleurs, nos amis disaient que je perdais mon sens de l’humour, que je devenais un peu harpie et réactive. Je doutais de plus en plus de mes capacités, perdais ma réactivité et j’avais de plus en plus l’impression d’avoir le cerveau embrumé.

    J’étais si épuisée physiquement, nerveusement, émotionnellement que je concentrais toute mon énergie à m’occuper au mieux de mon enfant et je faisais le dos rond pour le reste. Je croyais de plus en plus que la situation était de mon fait, que je n’étais effectivement pas à la hauteur et qu’il avait certainement raison de se désespérer de me voir un jour devenir digne de lui.

    C’est dans ce contexte qu’un jour, il a décidé que nous devions partir vivre en province. Dans un premier temps je pensais que nous retournerions en Bretagne ou qu’on irait vers le sud de la France. J’avais des possibilités de trouver du travail dans le groupe pour lequel je travaillais sur Lyon, Grenoble, Montpellier, Marseille.

    La Bretagne fut vite évincée de la liste. Les experts comptables qu’il avait pu rencontrer là-bas lui semblaient des pauvres gagne-petit. Il refusait de devenir un scribouillard de province. Le sud de la France ne lui offrit apparemment pas d’opportunités. Je ne crois pas qu’il ait vraiment recherché. Je lui reparlais alors de nos projets d’expatriation, de prendre son mal en patience, passer un module de comptabilité anglo-saxonne pour nous ouvrir les portes de l’international ou partir en Belgique. Il refusait toutes mes propositions.

    Un jour, il m’annonce une super opportunité. Un poste qui lui plairait, un groupe qui lui semble intéressant, des perspectives motivantes. Mais, c’est une petite ville, en Picardie. Forcément, je dois donner mon aval mais je n’ai pas vraiment le choix. Nous visitons ladite ville un week-end de Toussaint. J’objecte que la ville est morte, que c’est joli mais que je ne m’y vois pas. Il réfute mes arguments, dis que c’est un week-end particulier, me parle de la richesse patrimoniale et historique de la ville. Nous déjeunons avec la personne qu’il doit remplacer. Lui et sa compagne qui me disent combien Paris est proche et la qualité de vie que je peux trouver dans une petite ville. Bref, la décision est déjà prise et mon acquiescement ne fait pas débat. J’acceptais donc le projet. Pourtant, je dois reconnaitre que mes collègues et une de nos proches amies ont tenté de me dissuader. Mais c’était le père de ma fille, je me devais de le soutenir, de le suivre et puis il me promettait enfin une vie en province avec maison, enfants et un rythme plus propice à la vie de famille. Quelle arnaque ! Je me rendrai compte trop tard, et à mes dépends qu’il n’en serait rien.


     

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