Comment tu fais ?
Comment tu fais avec tes cheveux toujours bien coiffés, ta p'tite gueule toujours enfarinée, ton p'tit cul dans ton 36 bien roulé, ta maison toujours bien rangée, tes vêtements toujours bien repassés, tes gamins toujours proprets, bien alignés, on dirait même qu'ils sont muets ?
Comment tu fais avec ta vie qu'a toujours l'air si ordonnée, organisée et calibrée ?
Moi j'y arrive pas, j'm'en sors pas. C'est le bordel, le foutoir, le dawa.
C'est jamais comme ça doit, comme ça devrait, comme il faudrait.
J'sais pas j'dois pas être faite pour ça.
Parait que t'y passe du temps, que ça occupe tout ton temps et qu'en plus tu y trouves ton comptant. Mais moi j'te vois et des fois je me dis que ce serait bien d'être comme toi.
Alors j'essaie.
Promis j'essaie, je fais semblant en me disant qu'avec le temps ça se fera naturellement.
Mais non ça ne colle pas, j'y arrive pas, c'est vraiment pas moi.
Moi avec ma tête qui chante et rêve tout le temps. Moi qui ne dors pas la nuit mais qui pourrait si on me laissait le temps l'après-midi, moi qui suis décalée, révoltée, enragée, prête à aimer en m'accrochant encore à ma naïveté, moi qui suit trop gamine qui aime les dessins, les coloriages, peinturlurages et plein de trucs d'enfant pas si sage.
Et j'te regarde encore et je me dis qu'être moi c'est fatigant mais être toi c'est vraiment chiant.
Y a pas d'espace pour moi là-dedans, c'est quand que tu vis vraiment ? Tu sais que tu te lâches en riant comme un texan. Que tu perds ton temps juste à savourer le temps. Que tu te comportes comme un enfant, juste insouciant.
Et moi, et moi tout ça je ne sais pas faire sans.
Mais comment je fais alors ? Comment je fais pour être comme toi ? Assez pour être comme sont les gens sans me perdre totalement ? Si tu savais ! J'ai fait semblant pendant longtemps, j'me suis moulée dans le carcan mais j'en suis sortie maintenant. Ça me donne l'impression que j'suis comme ces gens qui sortent de zonzon après vingt ans.
La famille loin, très loin. Les potes ont pris le large, tu regardes le monde sans le comprendre et t'es heureux, tellement heureux d'être à la maison avec tes enfants. Mais t'y arrives pas, tu t'adaptes pas, tu supportes pas les chaines, les paraitre et les faux-semblant. Tu gardes la rage presque sauvagement, l'envie de vivre qui te brûle au-dedans, le truc qui te fait sortir les crocs parce que t'as perdu trop de temps et que maintenant tu veux tout bouffer à pleines dents. Mais tu peux pas en profiter pleinement parce que t'as peur de la connerie et qu'on t'enferme, que tu finisses en isolement, que tes gamins ils viennent te les prendre.
Comment tu fais putain pour être si sage, presque endormie ?
Tu me fais l'effet de la belle au bois dormant, l'impression que tu dors depuis cent ans et que t'en reprends pour autant. Ah ouais pardon putain c'est pas bien. Tu vois même ça j'y arrive pas. Excusez-moi mais moi le langage qui me pince le cul ben voilà j'y arrive plus. Juste quand il faut vraiment mais vraiment pas tout le temps parce que je ne parle plus en me contrôlant tout le temps, je suis redevenue instinctive, intuitive.
Et putain c'est bon si tu savais ! C'est compliqué mais que c'est bon d'être libérée de l'obligation d'être bien éduquée toute la journée, même en soirée et même alitée. Parce que voilà moi je veux plus de ça et quand je demande comment tu fais c'est vrai parfois c'est que je voudrais te ressembler mais en vérité c'est que je sais pas comment tu fais pour supporter.
Parce que moi j'suis p'tet pas comme il faut mais voilà faut que je sois moi, parce que je sais comment on fait pour être toi. Et puis en fait j'avoue je veux pas mais ça me paraitrait plus simple parfois....

Zirtaeb Onamaac