• Chronique d'une obscurité annoncée (13)

    Une fois de plus je me retrouve face au choix : ma carrière, ma sécurité professionnelle, mes quelques connaissances ou nous, le père de ma fille, la possibilité de vivre enfin la vie de famille que j’espérais. Contre tous les avis, le choix se porta encore sur ma vie personnelle. Sur cet espoir insensé qu’hors du rythme et du stress parisien, il deviendrait celui qu’il avait prétendu être.

    Je me fis licencier, non sans mal. La prime de licenciement devait servir à payer le déménagement. J’appris plus tard que l’entreprise qui l’embauchait avait proposé de payer les frais mais qu’il avait refusé. Facile, c’était avec ma prime ! Mais cet argent je ne le reverrai pas et il n’en fit aucun cas quelques temps plus tard lorsqu’il me reprocherait de ne pas travailler, d’être à sa charge etc.

    Me voilà donc abandonnant ma carrière, la ville que j’aimais tant, les amis que nous avions, m’éloignant encore plus de ma famille et de notre Bretagne. J’ai renoncé à tout, non sans quelques appréhensions. Mais je ne voyais pas comment faire autrement. Comment aurais-je pu envisager une séparation alors que notre enfant était encore si jeune, que je n’avais qu’un seul enfant quand j’en voulais bien plus, et alors qu’il me promettait de réaliser mon idéal sous condition de partir en province ?

    De même, plutôt que de nous installer en ville, ou dans la ville la plus proche mais la plus animée, nous nous sommes retrouvés dans une maison, dans un village moribond, sans commerces, sans transports… pire que la banlieue, la campagne. Pouvait-on imaginer transition plus violente pour la citadine que je suis que de quitter le cœur de Paris pour un village de Picardie ?

    Pendant un mois, je fis des allers-retours pour préparer la maison. Et ce fut l’installation. Je me retrouvais sans emploi, seule à la maison toute la journée avec une enfant en bas-âge, sans rien à faire autour. Le mauvais temps s’en mêlait en plus. Verglas, neige, froid, pluie : aucun moyen de sortir se promener. J’avais le sentiment d’être enterrée vivante. Mais il n’entendait rien, je m’enfonçais dans la déprime sous des torrents de reproches le soir quand il rentrait. Selon lui je devais être heureuse, j’avais enfin ce que j’avais toujours espéré : m’occuper de mon enfant à plein temps. Comment lui faire comprendre que cet aspect m’emplissait de bonheur mais que l’isolement et le déracinement étaient trop violents ? A partir de là, tout est allé de mal en pis. J’allais mal, il me reprochait d’aller mal, il était virulent, distant, accusateur et de plus en plus cinglant verbalement, alors j’allais encore plus mal et la spirale négative ne semblait plus vouloir avoir de fin. Je devenais rapidement un robot, j’agissais, dès qu’il était présent, de manière automatique et en faisant attention à lui déplaire le moins possible. Je n’aurais pour autant pas renoncé à mon mariage, ma famille. Encore et toujours, c’était la seule chose que je voulais réussir dans ma vie. Dure et violente espérance quand on n’a de cesse de vous dire combien vous n’êtes pas à la hauteur et que ce rêve n’est pas à votre portée.


     

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